Toujours Alès (3)
Les amants du Yangtsé de Huo Xin
Scénariste aguerrie, Huo Xin a choisi de tourner un mélodrame fiévreux, pour sa première réalisation. Son scénario n'a peut-être pas l'épaisseur, sociale, notamment, que l'on attend des grands films chinois mais il souffle un tel vent de romanesque dans Les amants de Yangtsé qu'on oubliera de s'en formaliser. Situé entre trois villes, au fil de plusieurs années, le film peut se regarder comme un triangle amoureux quelque peu dévoyé mais il s'agit avant tout une d'histoire d'amour extrême qui se construit au gré d'ellipses temporelles, dans un climat de romantisme noir, accentué par la nécessité de vivre vite et intensément les moments arrachés à l'inéluctable. La mise en scène est somptueuse, d'un esthétisme rare, quelque part entre Wong Kar-wai et Jia Zhangke, mais très personnelle, sans chercher à copier. Et certaines scènes accèdent à une grâce infinie, celles qui nous font comprendre la puissance d'un lien que même la mort n'arrivera pas à rompre. Pour rendre l'histoire crédible et haletante, il fallait deux interprètes investis et talentueux, qui rendraient ce couple irréfutable, en dépit ou à cause de leurs existences très dissemblables, vécues avant leur première rencontre. You Zhou est excellent mais c'est bien Ni Ni, que l'on a vue dans The Flowers of War de Zhang Yimou, qui impressionne par son élégance et la subtilité de son jeu.
Les règles de l'art de Dominique Baumard
A priori, le vol de 5 tableaux de maîtres au Musée d'art moderne, en 2010, ne pouvait être que l’œuvre de professionnels. Sauf que pas vraiment car permis, à l'origine, par une série de dysfonctionnements invraisemblables dans la sécurité du musée. Les règles de l'art s'intéresse avec délectation aux auteurs de ce vol, survenu presque par hasard, et qui va entraîner des conséquences pour les susnommés, aucun n'étant à la hauteur du fabuleux braquage. C'est notamment le cas de l'expert dépassé par les événements, incarné par un Melvil Poupaud, à l'opposé de ses rôles "froids", et qui élargit sa palette sans craindre le ridicule du comportement de son personnage, le rendant a contrario terriblement touchant. Cette histoire totalement dingue et correspondant dans les grandes lignes à la réalité est traitée sans temps mort, dans une veine satirique assez peu pratiquée en France, loin de la tradition britannique, voire italienne, qui ne se manifeste certes pas par une virtuosité de la mise en scène mais par une volonté ludique de traiter l'absurde des situations et les pétages de plomb successifs de deux des trois protagonistes de cette affaire hallucinante. Celle-ci n'est au fond qu'un prétexte pour divertir sans excès de prétention, en épinglant la déraison si humaine qui nous guette tous, dans le cas de circonstances qui dépassent l'imagination et surtout le sens commun.
Lads de Julien Menanteau
L'on comprend bien que dans son premier long métrage, Lads, Julien Menanteau a tenté de filmer une histoire exaltante, l'ascension d'un apprenti-jockey, tout en décrivant, autant que faire se peut, le monde des courses hippiques, sans omettre d'en souligner les excès ou travers, le tout se développant dans le respect obligatoire du bien-être animal. Sans bénéficier d'une mise en selle audacieuse, Lads reste plutôt agréable à regarder, y compris pour les images des courses hippiques, sans recherche épique, alors que le film aborde pas mal de sujets qui risquent de fâcher dans le milieu concerné, mais sans avoir le temps d'approfondir, hélas, ce qui le rend parfois caricatural. Cependant, le scénario parvient à surprendre, en dépit de quelques sous-intrigues un peu lourdes, et notamment dans son dénouement, même si l'on peut considérer qu'il cherche ainsi à flatter les naseaux des spectateurs. Dans le rôle principal, Marco Luraschi montre un vrai charisme et tient la distance, confronté à des cracks du calibre de Jeanne Balibar et de Marc Barbé, parfaits malgré les quelques clichés inhérents à leurs personnages. En matière de course d'obstacles, bien définis, Lads a choisi le galop et soutient tant bien que mal la cadence, en oubliant peut-être que le simple trot permet de mieux voir le paysage environnant.
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 51 autres membres