Cinéphile m'était conté ...

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Sortilèges en pays normand (L'armée furieuse)

Oyez, oyez, gentes dames et gentils messieurs, Fred Vargas est revenue, dans une forme étincelante, et jamais la langue de la reine du Rompol français n'a été aussi précise, poétique, savoureuse, intrigante, que dans L'armée furieuse, qui pourrait bien être, les avis divergeront forcément là-dessus, son meilleur livre, en tous cas le plus maîtrisé et le plus délectable. Son titre donne le ton, c'est une légende médiévale normande qui constitue le principal argument du roman. Mais, d'une certaine façon, c'est aussi un leurre, car il n'y a pas une mais trois enquêtes qui se croisent dans ce nouvel ouvrage, dont l'aspect fantastique n'est pas l'élément le plus significatif. Trois enquêtes donc, l'une normande, une autre parisienne, dans le monde politico-financier, assez traditionnelle, celle-ci, et une dernière, accessoire, certainement, mais très sérieuse, en fin de compte, sur la recherche du sale individu qui a ligaturé les pattes d'un pigeon, au point de mettre en danger la vie d'icelui. Inutile de dire que Fred Vargas est comme un poisson dans l'eau dans ces différents univers et qu'elle nous balade à sa guise de l'un vers les autres, avec une facilité qui frise le génie. A cela, il faut ajouter ses portraits psychologiques, toujours aussi brillants, d'individus friables, dont les failles nous sont décrites avec un art de la compassion âpre et tendre à la fois. A commencer par le commissaire Adamsberg, balourd et lent, dont l'intelligence moyenne est compensée par un caractère intuitif très développé et une connaissance non moins aigüe de l'âme humaine. Et que dire de sa fine équipe, dont chaque composante fait l'objet d'un portrait haut en couleurs ? Enfin, les témoins ou suspects de l'affaire normande sont autant de personnages étonnants, chacun affecté d'un particularisme qui ne le rend jamais banal. Fred Vargas est aussi une experte dans l'écriture de dialogues surréalistes, ironiques, d'une drôlerie bizarre qui donne une teinte supplémentaire à son roman, sans créer une quelconque dissonance. Dans L'armée furieuse, les vaches sont immobiles, comme statufiées, un homme croit qu'une partie de son corps est constitué d'argile, un vieil homme assassine son épouse à la mie de pain ... Etrange ? Même pas, c'est le petit monde de Vargas qui va son petit bonhomme de chemin et à laquelle on emboîte le pas, sans état d'âme et avec un plaisir non dissimulé, hypnotisés à la manière des rats et des enfants qui suivaient le joueur de flûte d'Hamelin. Essayer de se soustraire aux sortilèges de la romancière, c'est se priver d'un immense bonheur de lecture.



27/05/2011
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