Cinéphile m'était conté ...

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Quand souffle le blizzard (Esprit d'hiver)

En relisant la première page d'Esprit d'hiver, on s'aperçoit qu'on aurait peut-être pu comprendre depuis le début. Mais Laura Kasischke n'y avait semé que quelques indices et d'autres encore plus loin mais rien qui laissait présager de la chute du livre, atroce et sublime. Ce huis-clos de Noël, alors que souffle un terrible blizzard, distille une angoisse qui ne fait que s'amplifier au fil des pages. Et comme on est dans la tête de Holly, mère adoptive d'une Tatiana de 15 ans, qui a passé les deux premières années de sa vie dans un orphelinat sibérien, on est forcément enclin à tenter de déchiffrer la vérité dans ce qui nous est raconté à travers un esprit que l'on devine perturbé, dérangé, traumatisé, malade en tous cas. Alors, le pauvre lecteur, ballotté entre présent inquiétant et passé qui ne l'est pas moins, voit ses palpitations augmenter au rythme de la progression du livre de plus en plus proche du récit paranoïaque ou schizophrène. Ce climat oppressant, qui rappelle celui des films de Polanski des années 60 (Répulsion, Rosemary's Baby) a quelque chose d'insoutenable dans ce qu'il recèle de terrifiant sur la maternité, les gênes et les troubles de la personnalité. Esprit d'hiver ne laisse aucune possibilité de respirer. Pas de chapitres, un bloc compact qui enserre sa proie, c'est à dire Holly mais aussi le lecteur, jusqu'à l'étouffement. Et cette phrase qui revient de façon obsessionnelle : "Quelque choses les avaient suivis depuis la Russie jusque chez eux." Et ces objets domestiques qui deviennent incontrôlables. Et cet iPhone qui brûle les doigts, ce rôti qui tombe sur le sol, ces poules tueuses, ce chat déterré. Oui, tout a son importance dans le livre de Laura Kaschichke, que ce soient les répétitions, les questions qui viennent en rafale et surtout ces souvenirs de l'orphelinat qui hantent Holly. Et enfin, ces deux dernières pages qui sonnent le glas tout en nous délivrant. C'était donc ça le fil invisible qui nous a tenu en haleine et en apnée pendant 270 pages. Magistral !

 
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14/09/2013
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