Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Provision de vieux films (Juin/2)

Notre dernier printemps (Eroika), Michael Cacoyannis, 1960

Trois lycéens sont amoureux de la même jeune femme, la fille de l'ambassadeur britannique. Des circonstances dramatiques vont les séparer. Après 4 films dans une veine néoréaliste, Michael Cacoyannis adapte le roman de Kosmas Politis. Ce conte cruel de la jeunesse, principalement joué en anglais, emprunte les voies de la tragédie, deux ans avant la réalisation d'Electre. L'impression visuelle du film est séduisante mais le romantisme de l'ensemble est un peu forcé et emphatique, eu égard aux performances théâtrales de ses interprètes et notamment du premier rôle féminin. Ce qui faisait le charme des premiers films de Cacoyannis, la spontanéité et le naturel, a en grande partie disparu au profit d'un aspect presque ampoulé, contemplatif et cérébral.

 

Alerte à Singapour (World for Ransom), Robert Aldrich, 1954

Un détective privé est sur la trace de l'un de ses amis, mari de la femme qu'il aime, qui a participé au kidnapping d'un physicien nucléaire. Le deuxième film de Robert Aldrich n'est rien de plus qu'une série B, bien dans l'air du temps, atomique, de l'époque. En cela, il peut être considéré comme une sorte de brouillon, sans beaucoup d'âme, du remarquable En quatrième vitesse. L'histoire sentimentale est inintéressante, l'exotisme bidon et les bagarres plutôt ridicules. Cela s'anime vers la fin avec un brin d'amertume désabusée pour envelopper le tout : ci-gisent l'amitié et l'amour. Le rôle du pâle Dan Duryea aurait pu être interprété par Eddie Constantine, le spectateur y aurait gagné au change. Les deux films suivants d'Aldrich furent Bronco Apache et Vera Cruz. C'est ce qu'on appelle une sévère montée en puissance.

 

Courant chaud (Danryû), Yasuzô Masumura, 1957

Un gestionnaire est recruté par une famille propriétaire d'une clinique au bord de la faillite. Il se fait aider dans sa tâche par une infirmière. Mais son travail va bientôt entraîner la méfiance des héritiers. Troisième long-métrage de Masumura, Danryû démontre toute la maîtrise d'un jeune cinéaste talentueux, qui sait évoluer entre romantisme et cynisme. Ici, l'hôpital se moque de la charité, et c'est tout un microcosme individualiste, à l'image de la société japonaise, qui se débat en luttes intestines sur fond d'intérêts très personnels. Le film est très dense, avec ses intrigues croisées, professionnelles et intimes, racontées avec un sens du rythme constant, sans pour autant négliger la mise en scène, d'une précision redoutable et d'une efficacité calculée. Danryû n'a pas encore la cruauté perverse de quelques uns des grands films à venir de Masumura mais témoigne déjà de la virtuosité d'un réalisateur imprégné de la tradition du cinéma japonais pour mieux lui donner des couleurs modernes et agressives.

 

Sans anesthésie (Bez znieczulenia), Andrzej Wajda, 1978

Un grand reporter exprime librement ses opinions au cours d'un émission télévisée. Sa femme le quitte peu après pour un homme plus jeune et sa situation professionnelle va se dégrader peu à peu. Avec ses relents kafkaïens, Sans anesthésie relate la chute d'un homme dans la Pologne communiste avec une force tranquille, pointant du doigt les manigances du système, sans pour autant appuyer le trait pour ne pas s'exposer à la censure. Un film éminemment politique, donc, camouflé derrière une histoire de divorce, nettement moins percutante et parfois un peu confuse. Tourné après L'homme de marbre, le film est une pièce essentielle de la filmographie de Wajda, même si sa mise en scène est davantage accomplie dans d'autres longs-métrages, d'ailleurs beaucoup plus connus que Sans anesthésie, y compris en Pologne.

 

L'homme de paille (L'uomo di paglia), Pietro Germi, 1958

Andrea, la quarantaine, ouvrier spécialisé, vit à Rome avec sa femme et son petit garçon de huit ans. Un jour, il rencontre une jeune femme. Le ton est à la mélancolie pour ce film placé entre Le disque rouge et Meurtre à l'italienne dans la carrière de Pietro Germi. Une histoire simple d'adultère, traitée avec finesse, qui ressemble parfois à Brève rencontre, hormis pour sa dernière partie, tragique. Il y a quelque chose de banal dans beaucoup de situations du film mais comme transcendées par l'habileté narrative du cinéaste et surtout sa sensibilité et son regard bienveillant vers ses personnages faillibles mais honnêtes. La direction d'acteurs est remarquable avec Germi lui-même dans le rôle central et plus que crédible. La réussite de L'homme de paille tient aussi à la mise en scène, fluide, et à la voix off, jamais pesante, ce qui est rare. Celle-ci est masculine tout au long du film jusqu'à la dernière scène, poignante, où elle devient féminine. C'est avec ce genre de détails que ce long-métrage montre sa discrète virtosité.

 



12/06/2020
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