Cinéphile m'était conté ...

C'était une célébrité au tournant du XXe siècle. Les frères Lumière l'ont filmé et dans son élément naturel, le cirque, le public l'adorait. En duo dans l'arène. L'Auguste et le clown blanc. Lui, c'était Chocolat, noir de peau et sans parents. Le film que lui consacre Roschdy Zem a le mérite de le sortir de l'oubli et de donner un rôle en or à Omar Sy. Qui ajoute encore à sa palette de comédien talentueux quelques petites touches dramatiques et cela lui va bien. Avec l'étourdissant James Thierrée comme partenaire, le couple fonctionne parfaitement et leur histoire d'amitié est ce qu'il y a de meilleur dans le film. Mais Chocolat, au delà du portrait d'un artiste pétri d'ambigüités, se veut aussi un reflet de l'époque, soit celle du racisme ordinaire. Là, Roschdy Zem se montre moins inspiré et même carrément pesant tant la démonstration n'avait pas besoin d'être aussi appuyée. Autre problème : les numéros sur scène, s'ils faisaient se gondoler le public parisien contemporain, ont du mal à nous faire esquisser ne serait-ce que l'ombre d'un sourire. Autres temps, autres moeurs, on ne rit plus aujourd'hui d'un clown qui botte le derrière d'un noir. Encore heureux. Ceci posé, le travail de reconstitution des sketches a dû être faramineux et on se doit de saluer la performance. Zem est un bon directeur d'acteurs, on l'a déjà constaté et les seconds rôles, Olivier Gourmet, Clotilde Hesme, entre autres, sont impeccables. Pourquoi alors Chocolat manque t-il aussi cruellement d'émotion ? Sans doute parce que le film est trop appliqué, illustratif au possible et jamais dans la déraison. Sage, trop sage, d'un classicisme frileux, eu égard à la personnalité complexe du clown, et calibré pour servir de divertissement certes honorable mais sans prise de risque aucune. Avec bien moins de cinquante nuances de noir.

Classement 2016 : 15/23

Le réalisateur :

Roschdy Zem est né le 27 septembre 1965 à Gennevilliers. Sa carrière d'acteur débute en 1987 avec Les keufs de Balasko. Il tourne sous la direction de Téchiné, Beauvois, Masson, Jolivet, Deville, Allouache, Rochant, Miller, etc. Il devient réalisateur en 2006 avec Mauvaise foi suivi de Omar m'a tuer et de Bodybuilder.