Cinéphile m'était conté ...

Mais qui est donc Erik Schroder ? Un fugitif, un dépressif, un ravisseur d'enfant ? Tout cela et plus encore, un imposteur et un mythomane patenté, qui a réinventé sa vie, usant d'un faux patronyme, Kennedy, pour mieux se fondre dans sa patrie d'accueil. Amity Gaige n'offre pas de contrepoint dans son roman, la seule voix que l'on entend est celle du narrateur, le dénommé Schroder. Lequel se confesse, dans une longue lettre à son ex-femme, et surtout, tente de se justifier pour l'acte insensé qu'il a commis. Pris dans la spirale de ses mensonges, Schroder est au bout du rouleau. Le livre est incroyablement dense, malgré une narration fluide et "facile" d'accès, et regorge de thèmes : La recherche identitaire, "l'assimilation" américaine, l'amour paternel, le dysfonctionnement d'un couple, ... Amity Gaige s'y entend pour nous faire partager les angoisses et le cheminement psychologique d'un homme meurtri, à travers son errance géographique avec sa petite fille et dans des flashbacks incessants qui correspondent à des moments importants de son existence. Pour autant, il est difficile de se passionner autant qu'on le souhaiterait pour ce faussaire. Trop égocentré, trop appliqué à se trouver des explications, trop en quête d'absolution. La chose est discutable mais le lecteur n'a pas nécessairement de l'empathie pour un tel personnage, d'autant plus, il faut le répéter, qu'il nous assène ses vérités de façon univoque, sans que quiconque ne puisse les réfuter. Peut-on faire confiance à ce menteur en série ? Le livre, s'il fascine par les zones d'ambigüité qu'il explore, a aussi un côté manipulateur et trouble qui embarrasse. Un roman précédent d'Amity Gaige (Oh my Darling) est en cours de traduction. Il est encore bien trop tôt pour monter cette auteure au pinacle comme une partie de la critique anglo-saxonne l'a déjà fait.