Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

La Croisette nantaise (1)

C'est parti pour une sélection de 12 films cannois, présentés dans plusieurs villes françaises, dont Nantes.

 

Le Fil de Daniel Auteuil

Vous reprendrez bien un nouveau film de procès ? Pour Le Fil, l'argument de l'histoire vraie est recevable mais le nom de Daniel Auteuil, à la réalisation, laisse à espérer au mieux une œuvre honnête, sans qu'il soit besoin de convoquer les souvenirs, ancien de 12 hommes en colère, ou récent, avec Anatomie d'une chute. Pour casser la linéarité dudit procès, de nombreux flashbacks tentent de nous faire comprendre que le père de famille nombreuse (Grégory Gadebois, moins percutant qu'à l'accoutumée) ne peut pas avoir assassiné sa femme. C'est du moins ce que croit celui qui le défend (Daniel Auteuil, fidèle à lui-même). Ne cherchez pas les seconds rôles, ils sont à peu près inexistants, hélas (désolant pour la grande Sidse Babett Knudsen) et Le Fil s'attache surtout à l'intime conviction d'un avocat plutôt qu'à la personnalité profonde de l'accusé. Faites entrer l'avocat, donc, ce qui n'est pas, a priori, une mauvaise idée pour changer la routine des films de tribunaux. S'il y a quelques surprises majeures dans le dénouement du film, tout ce qui précède s'avère tout de même plutôt laborieux et les quelques prétentions "artistiques" dans la mise en scène, assez incompréhensibles (les experts en tauromachie devraient rester cois), ne peuvent rien pour rehausser une réalisation globalement neutre, pour être poli.

 

When the Light breaks de Rúnar Rúnarsson 

Après l'étonnant Echo, le réalisateur islandais Rúnar Rúnarsson revient à un cinéma plus intime, celui qui l'a fait connaître aux yeux du monde avec Volcano et Sparrows. When the Light breaks tient à peu de choses, au vu de son scénario, qui aurait pu être aisément gâché par un metteur en scène sans finesse. Ce n'est pas le cas de Rúnarsson, dont la manière rappelle un peu celle de Joachim Trier, dans cette évocation d'un chagrin personnel, noyé dans la tristesse collective, mais frustrant pour des raisons qu'il serait dommage de divulguer. En l'occurrence, c'est deuil pour deuil et larmes pour tous même si elles n'ont pas la même signification, voire intensité, pour chacun des personnages du film. D'aucuns trouveront peut-être qu'il y a un peu trop d'insistance sur l'expression de la douleur face à une tragédie mais on peut aussi penser que la pudeur reste de mise. Qui plus est, le film parle avec pertinence de la vie qui continue et les scènes joyeuses, absurdes ou élégiaques se marient parfaitement bien avec la réalité d'un drame. Au centre de When the Light breaks, la remarquable Elín Hall, connue en son pays comme chanteuse, se révèle magnétique. Son regard perdu est de ceux qu'on n'oublie pas.

 

Le Royaume de Julien Colonna

L'été corse dont Julien Colonna nous parle dans son premier long-métrage, Le Royaume, est rempli de règlements de compte comme autant de vendettas "caractéristiques" de l'île de beauté. La mythologie est respectée : omerta, maquis, femmes éplorées, sangliers et même Tino Rossi ont droit de cité dans ce thriller où le sang coule à jets continus. Oui, mais voilà, le film montre aussi autre chose, de moins habituel, et de bien plus prenant, à savoir l'apprentissage d'une jeune fille de 15 ans, face à la violence ambiante, et sa relation exceptionnelle avec un père qui n'est pourtant qu'un courant d'air, pour des raisons de sécurité. Une scène, magnifique, vient d'ailleurs joliment approfondir ce lien et faire oublier, pour un temps, le sifflement des balles. Grâce au jeu inspiré de Ghjuvanna Benedetti, ce personnage d'adolescente, qui doit grandir trop vite, se déleste très vite de tout cliché et sa présence nous permet de nous introduire au sein d'un milieu dont les femmes sont exclues. Si sa mise en scène est fluide, l'intérêt du film vient aussi en grande partie de son écriture, avec le nom de Jeanne Herry, qui a coécrit le scénario et qui n'est sans doute pas pour rien dans sa grande qualité.

 

Les femmes au balcon de Noémie Merlant

Les femmes au balcon se présente comme une comédie d'horreur féministe. Nous voici prévenus : les hommes vont prendre très cher dans ce deuxième long-métrage de Noémie Merlant ! Très bien, acceptons l'augure de cette fable décapante, cela ne peut pas faire de mal. Mais on a bien dit "comédie", non ? Comment expliquer alors que les rires soient aussi peu nombreux, devant ce qui ressemble malheureusement le plus souvent à un étalage d'hystérie à tous les étages ? Question de goût, assurément, mais doit-on passer par le gore et surtout par une certaine vulgarité pour évoquer la liberté des femmes et surtout leur volonté de d'en finir avec les comportements déplorables des membres du sexe opposé ? On a bien compris que la finesse n'était pas à l'ordre du jour du film mais de là à dynamiter les portes plutôt qu'à les ouvrir, il y avait un pas. Noémie Merlant, qui a coécrit son film avec Céline Sciamma, dit avoir voulu faire un film sur la sororité et la volonté des femmes de se réapproprier leur corps. Mais elle déclare aussi avoir usé d'un humour cathartique pour faire passer ses messages. C'est donc bien là où le bât blesse mais bon, à chacun.e son sens de l'ironie et de la dérision.

 



25/05/2024
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 50 autres membres