Ils mentent tous ! (La Havane année zéro)
Sourire, faire l'amour, rêver, ... Se bercer d'illusions et courir après des chimères, c'est un peu un sport national à Cuba, d'autant plus dans les moments de crise les plus aigus, comme en 1993, après la dislocation de l'URSS et les graves difficultés économiques qui s'ensuivirent sur l'île caribéenne. La Havane année zéro, tel est le titre français du roman de Karla Suarez, soit une traduction notoirement différente de son intitulé en espagnol, qui ressemblerait à quelque chose comme : Ils mentent tous ! Ce sont les deux facettes de ce livre jubilatoire, dans lequel la romancière s'amuse à tutoyer son lecteur. Primo, il s'agit bien du portrait d'une ville en pleine déliquescence, où l'on se déplace d'un quartier à l'autre à vélo ou en stop, où l'électricité ne fonctionne que par intermittence, où faire plus d'un repas par jour est un luxe. Secundo, le livre raconte une course poursuite effrénée à la recherche d'un document qui prouverait que l'italien Antonio Meucci aurait inventé le principe du téléphone bien avant Graham Bell (véridique !) et en aurait posé les bases lors d'un séjour à La Havane. Reste à savoir qui est en possession du précieux document et c'est la quête de trois personnages, un ancien et deux nouveaux amants de Julia, la narratrice, qui se trouve au centre de ce drôle de triangle. Julia, manipulée, dépassée par les révélations successives des uns et des autres, qui fait aveuglément confiance avant de s'apercevoir qu'elle a été trompée. Car ils mentent tous, de façon éhontée ! Alors elle, la prof de mathématiques, n'a d'autre solution que de s'en remettre aux conseils de ses maîtres : Einstein, Poincaré et Aristote. Ce roman est juteux comme un fruit tropical, swinguant comme une rumba, euphorisant comme un rhum de 20 ans d'âge. Son rythme est échevelé, son style direct et trivial. La mélancolie est là mais elle ne fait pas le poids devant une aventure folle qui égaie le quotidien d'une jeune femme qui en oublie les efforts immenses qu'elle doit faire, comme tous ses compatriotes, pour simplement survivre en cette atroce année 1993. Ce roman cavaleur, sans une seule chute de tension, rappelle juste que, quelles que soient les circonstances, l'important est de sourire, faire l'amour et rêver.
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