Cinéphile m'était conté ...

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Fagot de vieux films (Février/2)

La vie en rose, Jean Faurez, 1948

Avec le même dispositif que La vie de plaisir d'Albert Valentin, tourné sous l'Occupation, La vie en rose, qui n'a rien à voir avec Édith Piaf, raconte doublement la même histoire selon des interlocuteurs différents. Le procédé fonctionne parfaitement et annonce, avec modestie, ce que Kurosawa, puis récemment kore-eda, en feront, avec bien plus de brio. Malgré tout, il est dommage que le film, à l'instar de son auteur, Jean Faurez, soit tombé totalement dans l'oubli, tellement il s'en exhale un charme désuet, qui en fait une des œuvres parmi les plus attachantes de l'après-guerre. Si François Périer, Simone Valère et la gracieuse Colette Richard font partie de la distribution, les deux vedettes en sont le remarquable Louis Salou, à la voix si reconnaissable, et Henri Jeanson, dont les dialogues, surtout dans la toute première partie, pétillent par leur humour et leur aisance pour faire ressortir l'élégance de la langue française, quand elle est châtiée, ce qui, convenons-en, n'est plus guère la coutume dans le cinéma hexagonal de ces dernières années. Et au final, à l'inverse du titre joyeux qu'il porte, La vie en rose s'impose surtout par sa mélancolie profonde et le peu de résistance des rêves face à l'impitoyable réalité.

 

Un roi sans divertissement, François Leterrier, 1963

Un roi sans divertissement est une anomalie, pour plusieurs raisons. Dans le cinéma français du début des années 60, tout d'abord, car il se situe bien loin de la Nouvelle Vague et à égale distance des films des réalisateurs classiques et chevronnés de l'époque. Ensuite, il témoigne des relations complexes de Giono avec le cinéma, lui qui n'a tourné qu'un seul long-métrage et qui, ici, réécrit totalement son roman éponyme. Enfin, François Leterrier, après quelques films ambitieux, s'est tourné vers des productions commerciales insipides dont Goodbye, Emmanuelle et Je vais craquer sont les pépites (rires). Un roi sans divertissement est un film fascinant pour son atmosphère enneigée et ses silences languissants et agaçant pour ses prétentions métaphysiques quant à la nature ou la condition humaine, on ne sait plus trop, et la tentation du mal qui guette chacun d'entre nous. Il est vrai que quelques gouttes de rouge sur un tapis blanc, en hiver, c'est joli, et qu'une chanson de Brel pendant les deux génériques, c'est la classe ultime. Et puis n'oublions pas Colette Renard et Charles Vanel, remarquables, qui dament le pion à Claude Giraud, plutôt fade.

 

Le défroqué, Léo Joannon, 1954

Comment les spectateurs, fort nombreux, réagirent-ils aux projections du Dédroqué, lors de sa sortie en 1954, et notamment les fervents catholiques ? Faute de le savoir, voir aujourd'hui le film de Léo Joannon, assez bon artisan du cinéma français, reste une expérience fort intéressante, en essayant de se mettre au diapason d'une époque qui avait d'autres valeurs que celles d'aujourd'hui. Il y a une extrême violence dans ce portrait d'un ancien prêtre qui n'a de cesse d'insulter la religion, alors même que ses amis l'ont embrassée, y compris l'un deux, rencontré au stalag, qui se déclare son disciple. Ce mélodrame passionnel est à la fois brillant dans sa narration et assez souvent au bord de la rupture et du ridicule, avec deux scènes en particulier, dantesques : celle du cabaret et celle du dénouement. Et l'on ne peut qu'être impressionné par la performance de Pierre Fresnay, complètement habité par son rôle. Dans ce combat entre Judas et Jésus, où tous les coups sont permis, le spectateur se mue en arbitre et évite de peu le K.O technique. Une sacré film, dans toutes les acceptions du terme.

 

 



11/02/2024
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