Destins amers et tragiques (Les lois de la frontière)
Vu d'ailleurs, les premières années postfranquistes ont été marquées en Espagne par la libéralisation des moeurs et l'émergence de la movida. Les lois de la frontière, le livre de Javier Cercas, montre une autre facette de l'époque, bien moins connue, le roman d'une génération sacrifiée, à la destinée amère et tragique. Il raconte, par le biais d'une enquête fictive menée à travers plusieurs entretiens, la destinée d'une sorte de Robin des Bois, tel est en tous cas l'image que les médias en ont fait, de sa "compagne" et d'un des membres de sa bande, devenu plus tard son avocat. La construction du livre est imparable avec une progression chronologique implacable et des retours en arrière qui élargissent et contredisent parfois la perspective. Cercas nous parle de la part de relativité que contient toute vérité, des errements de la jeunesse, des clivages sociaux et des choix que la vie nous force à prendre, si tant est que le libre arbitre existe si l'on nait d'un côté ou non de la "frontière" entre nantis et déshérités. Les portraits que l'auteur dresse de ses trois héros, à 20 ans de distance, sont admirables parce que à rebrousse poil de tout manichéisme, s'insinuant dans les failles, les faiblesses et les erreurs de chacun d'entre eux. Le livre est dense, profond, d'un grand romanesque pour évoquer des trajectoires fracassées. Le récit, malgré son infinie complexité psychologique, est d'une limpidité sidérante. Comme un parfum d'épopée mais qui serait plus donquichottesque et frappée du sceau de l'échec que glorieuse et lumineuse. Les lois de la frontière est un roman passionnant, d'une maîtrise absolue.
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