Des lacunes dans la lagune (Impardonnables)
Téchiné adaptant Djian ? Pas évident sur le papier (c'est une commande), bien que quelques thèmes leurs soient communs, l'entrecroisement des destins, notamment. Impardonnables, le livre, avait un ton automnal, dans un Pays basque fouetté par les vents, avec une introspection de plus en plus douloureuse pour l'écrivain qui en était la figure principale. Un roman sur la trahison et la solitude des êtres, d'un pessimisme intégral, accompagné de cette ironie typiquement "djianesque". D'emblée, le film trahit le bouquin en plaçant l'action à Venise. C'est d'ailleurs l'un des points forts de ce Téchiné, une façon de filmer la ville, et surtout sa lagune, hors des clichés touristiques, comme un personnage à part entière. Là où ne suit plus le cinéaste, c'est dans sa structure narrative, éclatée entre plusieurs intrigues, aucune d'entre elles ne prenant le dessus. Cela donne un climat flottant, à peine sordide, qui semble ne mener nulle part. Il y a des lacunes dans la lagune. A un moment où à un autre, il aurait fallu resserrer les boulons, arrêter de baguenauder d'une histoire à une autre. Non que Djian n'ait pas cette habitude, mais cela passe mieux dans une oeuvre romanesque et fait partie de sa "cuisine". Il a des qualités, pourtant, ce film : un montage trépidant, une interprétation hors pair, avec un Dussolier royal, une Bouquet impériale et des seconds rôles italiens al dente (seule Mélanie Thierry paraît complètement à côté de plaque). Impardonnables a le charme des films ratés avec style. A l'image de sa fin, brutale, et à contre-courant de la tonalité générale. Comme Djian est capable de le faire, avec cet art du plaquage de lecteur, qui est l'une de ses spécificités.
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