Cinéphile m'était conté ...

Une nouvelle livraison venue du Brésil, de Pologne et de Chine.

Luiz-Alfredo Garcia-Roza, Bon anniversaire, Gabriel !, Brésil

Le brésilien Luiz-Alfredo Garcia-Roza est venu sur le tard à l'écriture mais c'est vraiment un auteur de polar original qui n'a pas son pareil pour plonger dans la psychologie tortueuse de personnages au bord de la folie. Bon anniversaire Gabriel ! commence par l'auto-accusation pour meurtre d'un homme qui n'a encore rien fait. Et au final, impossible de savoir qui a commis les deux crimes qui ont eu lieu, l'un d'eux n'en étant d'ailleurs pas nécessairement un. Le Rio de Janeiro décrit par le romancier est intime et chaleureux, assez loin de la carte postale traditionnelle. Et le personnage du commissaire Espinosa est particulièrement intéressant : solitaire, sentimental, empathique. Entre Simenon et Chandler, Garcia-Roza nous balade de surprises en surprises mais à son rythme, sans presser le mouvement. C'est très plaisant à lire.

Zygmunt Miloszewski, Les impliqués, Pologne

Pas étonnant que Miloszewski soit devenu une signature renommée du thriller. Si tous ses livres valent Les impliqués, il le mérite bien. Ici, c'est un procureur qui enquête, pas un policier, dans une ville de Varsovie que l'auteur apprécie avec modération. La description de la cité participe du plaisir de lecture de même que le détail de la vie d'un procureur, fonctionnaire mal payé, côtoyant des nouveaux riches et des malfrats dont le niveau de vie n'a rien à voir. La plume du romancier polonais est alerte, vive, ironique, parfois un peu cynique. Son intrigue policière fait resurgir les fantômes de l'époque communiste qui ne sont jamais bien loin. Avec cette question qui n'en est peut-être pas une : que deviennent les collaborateurs d'une dictature quand celle-ci disparait ? Eh bien, ils s'adaptent, changent éventuellement de nom mais reviennent occuper une place plus ou moins importante dans la société, comme si rien ne gênait leur conscience. Un excellent livre en tous cas et un auteur que je retrouverai à coup sûr.

Qiu Xialong, Il était une fois l'inspecteur Chen, Chine

Ce livre est un peu particulier dans l'oeuvre de Qiu. Si Chen est bien présent, dans son enfance, sa vie d'étudiant puis lors de sa première enquête, il permet surtout à l'auteur de revenir sur son propre itinéraire et en particulier ses jeunes années en Chine lorsque son père fut la cible de la sombre période de la Révolution culturelle. Les différentes strates des récits s'articulent parfaitement dans un livre très touchant, comme le sont toujours ceux qui reviennent sur les années d'apprentissage, d'autant plus en cette époque particulièrement tragique pour la Chine. La plume simple et élégante de Qiu fait merveille jusqu'à un dénouement très personnel de l'écrivain dans la Shanghai d'aujourd'hui, impossible à reconnaître, à la recherche d'un ami pour toujours perdu.