Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Viva il cinema ! (4)

 

C'è ancora domani de Paola Cortellesi

Le succès prodigieux de Il reste encore demain, en Italie, ne saurait s'expliquer uniquement par sa résonance dans l'air du temps, avec son farouche engagement féministe. Non, il y aussi du cinéma, et de l'excellent, tant dans le scénario, les dialogues, la réalisation et l'interprétation de ce phénomène transalpin. Le ton en est intelligemment hybride, comme un condensé brillant de tout ce que le cinéma italien a produit de meilleur ces 80 dernières années, disons, avec un mélange remarquable de néo-réalisme, de comédie et de mélodrame. Le début du film est volontairement quasi caricatural concernant la condition féminine dans l'immédiat après-guerre, avec une héroïne qui subit les coups d'un mari qui applique à la lettre une tradition patriarcale séculaire. La suite, synonyme d'émancipation, sera bien plus subtile qu'attendu, Paola Cortellesi, la réalisatrice, imposant un regard très personnel pour décortiquer les mécanismes de la violence, la chorégraphiant même pour en extraire l'essence rituelle. Elle use aussi, avec parcimonie, de musiques actuelles, donc anachroniques, pour donner un côté intemporel et par là même universel à l'existence de son personnage principal. Et quel formidable suspense, au final, sur une fausse piste qui se révèle géniale. Le noir et blanc est sublime et accompagne cette histoire très marquée historiquement mais qui s'en affranchit avec virtuosité, sans pour autant imposer son message avec lourdeur, tout au contraire. Paola Cortellesi, célèbre en Italie en tant qu'actrice mais aussi présentatrice, humoriste et chanteuse, s'est offert un rôle en or qu'elle illumine mais c'est la primo-réalisatrice qui doit être saluée pour un film qui mérite mille fois de rencontrer un grand succès de ce côté-ci des Alpes.

 

Ciao ragazzi de Riccardo Milani

Grazie ragazzi reprend, avec une certaine fidélité, la trame d'Un triomphe, film inspiré d'une histoire étonnante, mais bien réelle, autour de la pièce En attendant Godot, jouée par des détenus. Les différences se situent peut-être au niveau du rythme, plus élevé dans le film de Riccardo Milani mais aussi des transitions, nettement moins convaincantes. Le fait de connaître l'intrigue, y compris son dénouement, fausse évidemment le jugement sur Grazie ragazzi, qui reste cependant une œuvre efficace et souvent plaisante, avec quelques éléments purement italiens qui viennent la pimenter. Kad Merad était impeccable dans Un triomphe, Antonio Albanese ne l'est pas moins dans le remake et l'ensemble de l'interprétation se révèle al dente.

 

L'ordine del tempo de Liliana Cavani

Liliana Cavani, 91 ans, n'avait pas tourné pour le cinéma depuis 2002 ! Ce n'est pas manquer de respect à la réalisatrice de La peau et Portier de nuit, entre autres, que d'affirmer que L'ordine del tempo ne restera pas parmi les sommets de sa carrière. Le film est adapté non pas d'un roman mais d'un essai, ce qui n'est pas banal, et se déroule presque entièrement dans une belle maison située en bord de mer. D'où l'impression d'être dans une pièce de théâtre dans laquelle quelques amis sont réunis pour l'anniversaire de la maîtresse de maison. Les protagonistes ont la quarantaine ou la petite cinquantaine et les conversations sont purement existentielles, d'autant qu'une météorite menace d'entrer en collision avec la terre. Tous ces personnages sont des privilégiés, des intellectuels très brillants, dont les failles sont pourtant béantes dans leur vie privée et dans leur couple, en particulier. Les dialogues sont parfois amusants mais l'intérêt est loin d'être constant car il y manque un peu d'ironie ou de férocité quant à l"analyse du comportement humain, surtout quand la fin du monde approche.

 



26/02/2024
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