Une héroïne à terre (L'amour et les forêts)
Qu'est-ce qu'une forêt ? Elle peut-être menaçante, infranchissable et soudain devenir clairière. De l'obscur au lumineux. Ou l'inverse. On s'y perd ou bien l'on s'y (re)trouve, cela dépend. La forêt est changeante comme l'est le roman d'Eric Reinhardt, oeuvre puissante et parfois nimbée d'un lyrisme noir. L'amour et les forêts est avant tout le portrait d'une femme. Bénédicte Ombredanne, une Emma Bovary d'aujourd'hui, il faut le dire vite et puis l'oublier. Exigeante pour elle-même et pour les autres, avec l'ambition de donner à sa vie toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. Mais c'est le gris qui l'attend, insupportable, et l'effondrement de sa personnalité dans l'humiliation et la négation de son être. Le roman de Reinhardt est magnifique. Pour une grand part. Il est même sublime par instants, si, vraiment. Et terrible en ce qu'il contient dans la description minutieuse du harcèlement conjugal, horreur absolue. Mais le livre est également bancal dans sa construction. Passe encore que l'auteur se mette en scène quoique l'autofiction commence à devenir une mode passablement agaçante, ces temps-ci. Mais au cinéma, on dirait que certaines séquences ne sont pas "raccord". C'est le cas entre le récit fait par l'héroïne, au début du roman, et celui de sa soeur, vers la fin. Quelque chose cloche entre les deux narrations, du point de vue de la psychologie de son personnage principal. Par ailleurs, si Reinhardt se montre virtuose dans le passage d'un style à un autre, du prosaïque (la conversation sur Meetic) au romantique (l'après-midi des amants), il arrive aussi qu'il pêche par ce que l'on pourrait appeler une inflation littéraire. Comme si la forme prenait parfois le pas sur le fond. Mais au bout du compte reste tout de même une impression extrêmement forte, celle d'avoir lu l'histoire d'une femme aux idéaux tellement purs et qui a heurté de plein fouet la médiocrité et la perversité des autres. Comme s'il fallait absolument lui faire payer son "élévation" et son esprit brillant en la mettant plus bas que terre. Bénédicte Ombredanne fait partie de ces personnages romanesques qui ne s'oublient pas. D'une certaine façon, elle est plus grande que le livre qui raconte son existence. Elle s'en est échappée et même Eric Reinhardt a dû se résoudre à lui laisser prendre le large. Enfin libre.
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