Trois visions de la féminité japonaise (Seins et oeufs)
Deux soeurs, presque 40 ans pour l'une, un peu plus de trente pour l'autre, et la fille de 12 ans de la première. Et trois visions de la féminité, entre fantasmes et répulsion. Seins et oeufs de Mieko Kawakami a connu un grand succès sur son sol, les femmes japonaises, toutes générations confondues, y ayant trouvé, sans aucun doute, un écho à leurs propres interrogations, dans un pays où l'image du corps est le plus souvent associée à la sensualité silencieuse. Or le livre de Mieko Kawakami, par son impudeur, sa précision dans la description des modifications du corps féminin, à l'adolescence comme à un âge plus avancé, tranche et surprend par son réalisme et sa crudité. Le roman alterne deux récits : celui de la soeur cadette, qui joue le rôle d'arbitre et de confidente, auquel répond les quelques extraits du journal intime de la pré-adolescente, qui, dans l'attente de ses premières "marées", trouve répugnant tout ce qui a trait aux fluides corporels et confie sur le papier son incompréhension de la décision de sa mère de se doter d'une "poitrine opulente". Au-delà de cette obsession au corps, Seins et oeufs évoque à la marge la solitude et l'anonymat des grandes villes ainsi que l'absence des hommes, ce que d'ailleurs aucune des femmes ne regrette. Le livre est déconcertant à plus d'un titre : par sa brièveté même (cent pages), son ironie contrôlée et, surtout, son style à plat, proche du langage parlé, dont la désinvolture apparente et la trivialité donnent au roman une réelle touche d'authenticité, qualifiable aussi bien de douce que de cruelle. Avec, en prime, deux scènes étonnantes (celle des bains et celle des oeufs), drôles et follement inquiétantes à la fois.
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