Triste et célèbre (France)
Il est quand même drôle qu'un grand nombre des spectateurs de France ne retient du film que sa satire au vitriol (hum) des journalistes télé élevés au rang de stars et des errements des chaînes d'information en continu. Non que cet aspect ne sot pas présent mais il n'est que la toile de fond, souvent outrancière (voir le personnage déplaisant incarné par Blanche Gardin) d'un beau portrait de femme, portée au pinacle, entourée de courtisans, imbue d'elle-même et de son pouvoir jusqu'à ce qu'arrive la dépression. De cette femme un peu bipolaire, actrice de son propre malaise, avec ses reportages sur le terrain savamment mis en scène, Dumont traque une psychologie complexe, partagée entre gloire et douleurs. Triste et célèbre, France évolue dans un monde factice (son appartement est hallucinant) jamais traité de manière réaliste mais comme dans un univers parallèle au notre, selon la manière coutumière du cinéaste, qui s'exprime avec des scènes poussées au-delà de leur durée normale, par le jeu gauche de nombre de protagonistes secondaires ou encore via les longs gros plans sur le visage de son héroïne, souvent en pleurs, qui traduisent peut-être aussi le regard amoureux que pose Dumont sur une Léa Seydoux prodigieuse et finalement émouvante. Le réalisateur n'est pas adepte de la vérité, il cherche plutôt à créer une autre authenticité très personnelle, qui a déjà agacé ou séduit, comme par exemple dans Hadewijch ou même Jeanne. Outre la musique superbe de Christophe, France est aussi un exercice de mise en scène parfois jubilatoire, avec en particulier la scène de l'accident. Là, encore, elle dure plus que de raison, presque poétique dans la tragédie. Alors, ne voir dans France qu'une charge violente contre les pratiques douteuses des débiteurs d'information à la chaîne et omettre toute la richesse stylistique et psychologique du film ne serait-il pas une grave erreur, en oubliant à quel point le réalisateur de La vie de Jésus est un électron libre dans le paysage cinématographique français ?
Le réalisateur :
Bruno Dumont est né le 14 mars 1958 à Bailleul. Il a réalisé 11 films dont Flandres, Hadewijch et Jeanne.
A découvrir aussi
- La grande traversée (Etats-Unis)
- Le fils d'un humaniste (L'oubli que nous serons)
- Le mou et l'énervé (Présidents)
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 50 autres membres