Saisi en plein vol (L'anomalie)
Il est comment le nouveau Goncourt ? Gouleyant, pour sûr, et ce n'est pas tous les ans que l'on peut le qualifier ainsi. Au nez et en bouche, ce nectar se déguste en relevant des notes de pêche, de banane et de cuir. Notamment. En d'autres termes, L'anomalie est un mélange capiteux qui intègre la plupart des genres littéraires, en commençant par la science-fiction, avec son point de départ (et d'arrivée) qui ravira les amateurs du grand Philip K. Dick, par exemple. Un livre oulipien, signé d'un auteur jusqu'alors assez éloigné des radars de la plupart des lecteurs, Herve Le Tellier, qui semble aussi bien une entreprise d'une audace folle qu'une vaste blague menée jusqu'à son terme avec le sérieux d'un mathématicien ou d'un scientifique et la malice d'un plaisantin. L'anomalie est en partie un métalivre et ce n'est pas la moindre de ses qualités, que ce dialogue permanent entre l'auteur, ses personnages et le lecteur. L'anomalie fourmille de personnages, un peu trop pense t-on au départ, que Le Tellier réussit à nous rendre proches, à chacun de choisir son préféré, sachant que le portrait de l'écrivain qui y figure, est sans aucun doute le plus riche et l'un des plus touchants. Au-delà de l'événement principal, saisi en plein vol, ce sont ses développements vertigineux qui nous empoignent et nous font réfléchir à l'inévitable et insoluble question : et si cette "anomalie" m'arrivait à moi ? Virtuose de la narration, l'auteur est aussi à l'aise dans les hautes sphères de la pensée, s'interrogeant sur la condition humaine, que terre-à-terre parfois dans la description de notre comportement de simples locataires de la planète, avec nos failles et notre intelligence (relative). Avec L'anomalie, il y a matière à réaliser un film époustouflant ou, encore mieux, une série au long cours. Mais même bien réalisés, ces "avatars" prévisibles pourront difficilement rivaliser avec l'objet écrit, dont le côté ludique est primordial. Avec le Goncourt, le succès déjà avéré du roman va devenir colossal. Parfaitement mérité, surtout en ces temps moroses et incertains. Et si le romancier s'est trompé (le président américain), on lui pardonne aisément, vu que c'est l'une des seules bonnes nouvelles de ces derniers mois.
L'auteur :
Hervé Le Tellier est né le 21 avril 1957 à Paris. Il a publié 27 ouvrages dont Assez parlé d'amour et Moi et François Mitterand.
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