Rien ne s'oppose à la fiction (D'après une histoire vraie)
La question de l'identité est encore plus aigüe quand elle concerne un écrivain. Aux qu'y suis-je et où vais-je, déjà perturbants, s'ajoute le qu'écris-je, d'autant plus quand l'on sort d'un bouquin aussi intime que Rien ne s'oppose à la nuit qui a bouleversé des milliers de lecteurs. D'après une histoire vraie, tout est déjà dans le titre du nouveau "roman" de Delphine de Vigan. Récit à la première personne, troublante mise en abyme ou fruit de l'imagination, le livre pose mille et une questions que chacun résoudra selon sa propre sensibilité. Une seule chose est avérée : c'est bien de littérature qu'il s'agit. Mais quelle est la part de vérité dans cette histoire d'emprise, de possession ou de vampirisme intellectuel, quel que soit le nom qu'on lui donne ? Rien ne s'oppose à la fiction et Delphine a pu tout inventer, ou pas. Tout en s'y mettant en scène avec ses proches, jouant avec la vérité, y introduisant des éléments purement imaginaires et une intrigue fantasmée (ou pas). Tout écrivain est un menteur et un rêveur. Il a l'absolution de ceux qui le lisent. Fais moi frissonner, donne-moi le vertige, joue avec mes nerfs, disent-ils. Et Delphine de Vigan y parvient en donnant d'elle-même, mais jusqu'à quel point ? D'après une histoire vraie interroge la mode de l'autofiction et le devenir du roman. Avec la pertinence du doute et de la remise en question permanente. Dans l'écriture comme dans la vie. Avoir des certitudes est un luxe et un confort, Douter est douloureux mais intrinsèque à la nature humaine. Lire D'après une histoire vraie c'est s'immiscer dans la tête de la romancière et se nourrir de sa personnalité. A sa façon, le lecteur est aussi vampire que le personnage de L. Qu'importe s'il est manipulé et tourneboulé. Il est consentant, oui ou non ? La littérature est une discipline hautement perverse, quand on y réfléchit. Surtout quand elle sonne "vrai". Mine de rien, c'est un exercice d'équilibriste très pernicieux auquel se livre Delphine. C'est pour cet attrait du précipice mental que l'on aimera ce roman, ce jeu dangereux du chat et de la souris avec la réalité, laquelle, on le sait, est toujours relative et subjective. Cela au moins, c'est certain.
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