Retrouvailles à La Rochelle (10)
Les gens d'à côté d'André Téchiné
André Téchiné n'avait plus tourné avec Isabelle Huppert depuis Les sœurs Brontë (1979). Le réalisateur, de l'avis de tous, a un peu perdu la main ces derniers temps, s'attaquant à des sujets actuels avec une certaine légèreté ou un manque de nerf, comme on voudra. C'est vrai en grande partie pour Les gens d'à côté, un brin caricatural dans l'opposition entre deux de ses trois personnages principaux, Téchiné prêche pour la tolérance, l'humanisme et l'amitié, autant de belles valeurs illustrées ici de manière un brin naïve et moyennement crédible quant aux situations exposées (inique, la police ?). Ajoutons aussi une voix off qui ne sert à rien et arrêtons-là les récriminations. Parce que, par ailleurs, le cinéaste fait toujours montre de concision et de fluidité narratives, nous offrant une belle harmonie entre deux actrices toujours impeccables, à savoir Isabelle Huppert et Hafsia Herzi. Nahuel Perez Biscayart, de son côté, semble moins à l'aise, une impression due au manque de relief et d'approfondissement de son personnage. Les gens d'à côté est un Téchiné qui n'explore pas complètement toutes les pistes entamées ou plutôt les mélange en cherchant d'abord à parler de la complexité des relations humaines. Ce qui, au fond, a toujours été privilégié dans son œuvre, et de plus en plus, au détriment de son aspect purement social.
Comme le feu de Philippe Lesage
Philippe Lesage est un grand cinéaste, il l'a notamment prouvé avec le formidable Genèse. Le problème est qu'il semble en être persuadé lui-même, une impression ressentie devant Comme le feu, qui reprend son sujet de prédilection, le récit d'apprentissage. A partir d'un souvenir d'adolescence, que lui a conté son frère, documentariste, le film confronte cette fois des jeunes gens à des adultes qui s'affrontent à fleurets pas toujours mouchetés, dans un esprit de compétition alourdi par son content de mesquineries et d'invectives qu génèrent de fortes tensions, en particulier pendant les repas. Le film se déroule au nord du Québec, au milieu des lacs et des forêts mais l'oxygène se raréfie très vite à mesure que les frustrations et les conflits s'exacerbent. Chasse, pêche et discussions : le programme est alléchant mais Lesage étire certaines scènes à l'envi (la durée globale de 2 heures 40 est excessive), tire un peu trop sur les ficelles du symbolisme, néglige un certain nombre de ses personnages et finit par ennuyer avec cet entre-soi épuisant. Et puis, le film manque d'humour, une quasi anomalie dans le cinéma québecois, et ne saurait par conséquent se comparer aux œuvres de Denys Arcand. En revanche, l'interprétation, en tous cas pour les rôles principaux, est impeccable. S'il ne fallait citer qu'un seul acteur, ce serait Arieh Worthalter, presque aussi fascinant que dans Le procès Goldman.
FIN
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