Quand une mère disparait (Prends soin de maman)
C'est un livre qui commence brutalement par une disparition. Une vieille femme s'est égarée dans le métro de Séoul, parce qu'elle n'a pas pu suivre le pas de son mari. Et puis, au fur et à mesure de ce roman polyphonique, ses quatre enfants revisitent leurs souvenirs, s'aperçoivent combien la présence de cette mère les a protégés, au détriment de sa propre vie de femme. Prends soin de maman, de la coréenne Shin Kyung-sook, est écrit dans une langue toute simple, limpide, qui acquiert des couleurs et des nuances nouvelles à mesure que le portrait de cette mère s'affine et se complexifie. Un roman familial, donc, qui ne paie pas de mine de prime abord, et qui finit par entraîner dans ses langueurs nostalgiques, jusqu'aux deux derniers chapitres, encore plus intimes, touchant enfin le coeur par leur impudeur discrète, par tous ces petits secrets qui font une existence, tous ces sacrifices qui ne se voient pas, tant que la routine du quotidien est la plus forte. L'un des personnages se demande "où vont les moments, une fois qu'ils sont passés ?", pourquoi est-ce l'absence qui nous rend lucide, tout en nous confrontant à nos propres erreurs et à la culpabilité de n'avoir pu dire ou faire dans l'instant ce qui n'est plus possible désormais. Outre ses portraits entremêlés, le livre est aussi un témoignage réaliste et fourmillant de détails sur la Corée rurale, de la fin de la guerre à nos jours, avec des moments de dénuement et le dur labeur des champs pour sortir des temps difficiles. Subtil dans sa construction et dans l'évocation des rapports entre parents et enfants, entre maris et femmes, Prends soin de maman est une bien jolie découverte.
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