Le frère de l'Arabe (Meursault, contre-enquête)
Editorialiste polémiste au Quotidien d'Oran, Kamel Daoud, a écrit un premier roman fascinant dans le jeu de miroirs qu'il tend à L'étranger de Camus. Dans son livre, ce dernier use 25 fois du terme "Arabe" mais ne cite jamais le nom ou le prénom du garçon assassiné. Et si le meurtrier est condamné ne l'est-il pas pour avoir manifesté peu d'émotion à la mort de sa mère davantage que pour son crime ? Daoud, tout en respectant le génie de Camus, attise sa réponse dans Meursault, contre-enquête, avec une insolence et un talent redoutables. Le roman est le monologue, dans un café d'Oran, d'un vieil homme qui prétend être le frère de cet Arabe anonyme tué sous un soleil accablant. Et de raconter sa longue vie, sorte de contrepoint troublant à celle de Meursault, jusqu'au meurtre, tout aussi absurde que celui de son "double" qui le libérera d'un lourd fardeau, tellement son existence, sous le poids d'une mère oppressante, était devenue un enfer depuis la mort de ce frère, dont le cadavre même n'a jamais été retrouvé. Au-delà de l'exercice de style, brillantissime, et de l'hommage à la langue française et à ses écrivains, Daoud revisite l'histoire de l'Algérie, du temps de la colonisation à aujourd'hui, en passant par l'Indépendance. Ironique, incisif, l'écrivain s'en prend aussi à la religion dans un mélange d'humour et de colère. Ce livre percutant et caustique est remarquable sur tous les plans et d'une densité stupéfiante en dépit de sa relative brièveté.
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