La peau des autres (La bibliothèque du beau et du mal)
La littérature des pays baltes est rare en traduction française mais les quelques ouvrages qui nous parviennent laissent rarement indifférent. C'est le cas pour l'Estonien Andrus Kivirähk, merveilleux conteur, dont 4 romans sont parvenus en nos contrées. La Lituanienne Undinė Radzevičiūtė est pour sa part une parfaite inconnue, ici, décrite comme historienne. Mais son premier roman traduit en français, La bibliothèque du beau et du mal, frappe par sa maîtrise parfaite d'une intrigue pour le moins scabreuse, autour de la passion d'un Berlinois, jeune rentier, pour la bibliopégie anthropodermique, aux temps de la république de Weimar. Difficile de définir avec exactitude de quel type de roman il s'agit : historique, gothique, horrifique, philosophique, esthétique ... Toujours est-il que ce qu'il raconte est sublimé par un humour noir de grande qualité qui rend la lecture fort distrayante alors qu'elle nous plonge dans les actes peu recommandables d'un opiomane gouverné par une obsession malsaine, héritée de son grand-père, pour la peau des autres, surtout recouverte de tatouages. Les dialogues, notamment ceux du personnage avec sa demi-sœur, adepte de l'ordre et de la symétrie, sont savoureux et érudits autour de la beauté dans la laideur et l'impossibilité de la bonté dans la beauté, notamment. D'autres protagonistes ont aussi leur importance, une fidèle domestique effarouchée par la modernité ou encore un relieur complice et néanmoins sourd-muet. En parallèle aux plaisirs de l'esthète qui recherche le beau dans le bizarre ou le morbide, la montée du nazisme, avec ses idéaux de pureté qui ont conduit aux atrocités que l'on sait, agit comme un contrepoint. L'autrice restitue avec un talent certain le Berlin décadent des années 20, alors que Leni Riefenstahl délaisse bientôt le métier d'actrice pour celui de réalisatrice et que Marlene Dietrich commence à enflammer les foules de sa féminité agressive. Ajoutons que Rudolf Hess et Günter Grass prennent aussi part à cette fresque épidermique, qui s'étend jusqu'aux années 70. La bibliothèque du beau et du mal est sans aucun doute l'un des livres parmi les plus étranges et les plus séduisants de l'année.
L'auteure :
Undinė Radzevičiūtė est née en 1967 en Lituanie. Elle a publié 7 livres.
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