Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Ici, c'est Arras (8)

 

Le chemin de la compétition passe par la Roumanie, la Suisse, la Turquie et la Finlande.

 

Miracle (Miracol) de Bogdan George Apetri

Certes, beaucoup d'ingrédients habituels du cinéma roumain sont présents dans Miracle, dont de longs plans-séquences et des conversations très nourries, mais le film est cette fois un véritable thriller, avec une vraie cassure en son milieu et des péripéties qui tentent de constamment apporter des éléments nouveaux et inattendus. Au programme : une jeune novice qui sort du couvent et se dirige vers l'hôpital, un chauffeur de taxi et, plus tard, un enquêteur de la police, particulièrement acharné à faire avouer le suspect d'un viol et d'un meurtre. Sans oublier de dénoncer les tares de la société roumaine, le film est donc orienté vers le suspense, se permettant même de piéger le spectateur, avec une scène qui n'existe que dans l'esprit de l'un des trois personnages principaux. Bogdan George Apetri, qui en est à son troisième long-métrage, maîtrise parfaitement son affaire et l'imprévisibilité de son scénario est l'un de ses principaux atouts. Un autre est son interprétation, que ce soit celle du flic (Emanuel Parvu) ou surtout celle de la sœur, avec la lumineuse Iona Bugarin, une actrice de 25 ans déjà présente et éblouissante dans Mia misses her revenge, un long-métrage qui reste encore inédit dans les salles françaises. Il est à espérer que Miracle ne soit pas confiné aux festivals internationaux car il est susceptible de plaire à un public plus large que celui des fans réguliers du cinéma roumain.

 

La Mif de Frédéric Baillif

La Mif, du réalisateur suisse autodidacte Frédéric Baillif, est une réussite qui tranche avec le tout venant de ces fictions/documentaires qui essaient tant bien que mal de laisser deviner la part de chacun des deux genres, sans souvent y parvenir. Le film propose une véritable immersion dans un foyer pour jeunes filles à problèmes, rythmée par une succession de portraits qui permettent de nourrir un récit non linéaire où l'on découvre progressivement les histoires douloureuses de jeunes femmes en phase de reconstruction, sans oublier celle, pas moins attachante, de la directrice de l'établissement. Il y aurait là matière à un pathos insupportable mais, grâce à son dispositif ingénieux, qui mêle les différentes trajectoires de vie, en les intégrant dans le quotidien de la petite communauté, le film est au contraire à la fois pudique et authentique. Il l'est d'autant plus que toutes les interprètes de la Mif sont issues de ces foyers qui jouent cependant des rôles qui ne correspondent pas à leur passé mais qu'elles ont eu toute la liberté de composer. Cela donne un film bourré d'énergie, positive ou négative, et un langage de charretier qui cache les fêlures réelles de ces adolescentes. C'est un véritable tour de force que réalise Frédéric Baillif dans ce long-métrage tourné en deux petites semaines, en un huis-clos presque total. Impossible de ne pas être ému par ces filles cabossées et solidaires (enfin, pas toujours) qui ont trouvé dans le foyer une nouvelle famille jusqu'à leur arrivée dans l'âge adulte.

 

 

Kadir (Iki safak arasinda) de Selman Nacar

Kadir, le premier long-métrage du turc Selman Nacar, est à peu près irréprochable dans sa continuité narrative, exposant clairement les ressorts de son récit. Il s'agit de l'accident d'un ouvrier dans une usine de textiles, qui va amener la direction de l'entreprise concernée (et coupable ?) à se couvrir au maximum auprès de la famille de la victime, pour éviter une plainte en justice. Chacun joue son rôle avec peu de surprises, les personnages du film étant relativement unidimensionnels, avec le cynisme que l'on attend du côté des plus puissants, à l'encontre des plus défavorisés. Kadir suit plus particulièrement le personnage éponyme, lequel fait partie des premiers mais n'en a pas moins des états d'âme. C'est à vrai dire plutôt attendu, avec un dénouement parmi les plus ouverts qui soient, mais force est de reconnaître que le metteur en scène fait son travail avec abnégation et ne commet pratiquement aucune faute de goût, réussissant même à intégrer une sous-intrigue sentimentale, qui permet d'élargir les enjeux. Rien de révolutionnaire, évidemment, mais le film est plutôt plaisant à regarder, ce qui n'est déjà pas si mal.

 

The blind man who didn't want to see Titanic (Sokea mies joka ei halunnut nähdä Titanicia) de Teemu Nikki

Attention, The Blind Man who did not want to see Titanic est, à l'image de son titre, un véritable OVNI, quoiqu'en définitive classable au rayon des comédies romantiques. Le héros est un garçon atteint de sclérose en plaques, qui a perdu la vue, et dont le quotidien est digne d'Un jour sans fin, avec ses routines jusqu'à ce qu'il se décide à quitter son appartement pour une urgence sentimentale. Le film étonne d'abord par son dispositif visuel puisque tout y est flou en dehors du visage en gros plan de son héros ou encore de son fauteuil roulant. L'humour du personnage (joué par un ami du réalisateur finlandais, lui-même atteint par la maladie) est dévastateur, et c'est un grand cinéphile devant l'éternel, même s'il ne peut plus rien regarder, avec pour références majeurs les films de John Carpenter. Dans les dialogues téléphoniques avec sa fiancée, dont il ne connait évidemment que la voix, les répliques crépitent et le ton est le plus souvent joyeux même si l'avenir est sombre pour les deux tourtereaux. Mais ce n'est rien à côté de la grande aventure, très dramatique, que va vivre notre homme, même si la dérision y a encore sa place, avant un final classique qui peut décevoir, vu l'audace de tout ce qui a précédé. Quoi qu'il en soit, ce film a le potentiel pour séduire un public très large, dépassant de loin tous les préjugés que chacun porte, peu ou prou, au monde des handicapés. The Blind Man ... a un côté punk très affirmé qui en fait un objet loin d'être policé mais ô combien substantiel.

 



14/11/2021
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