Cinéphile m'était conté ...

Cinéphile m'était conté ...

Sorties 2024


Des Amérindiens dans la vie (La fleur de Buriti)

 

Avec La fleur de Buriti, on ne peut qu'être touché par le message de dignité de la communauté krahô au Brésil, peuple indigène spolié et massacré de tous temps. Dans leur nouveau long-métrage, João Salaviza et Renée Nader Messora, les coréalisateurs qui forment un couple dans la vie, ont opté pour une forme hybride (très à la mode en ce moment), à savoir la fiction alimentée par la réalité, que l'on a le droit de trouver moins pertinente que le documentaire pur et dur, et d'une certaine façon presque gênant car s'appuyant sur une émotion quelque peu forcée. Néanmoins, La fleur de Buriti lorsqu'il se fait honnêtement ethnographique et moins revendicateur se révèle passionnant, eu égard à la philosophie de vie de ces autochtones, auxquels les notions de profit et d'exploitation des richesses de la nature sont totalement étrangères. L'aspect politique, en pleine période Bolsonaro, est bien évidemment abordé avec force mais ce n'est paradoxalement pas là que se situe le caractère le plus captivant du film. Depuis le tournage, Lula a été élu président et Sônia Guajajara, que l'on aperçoit en tant que militante dans La fleur de Buriti, est désormais à la tête du ministère des Peuples autochtones. Une grande avancée pour ces Amérindiens du Brésil maltraités et étouffés depuis trop longtemps.

 

 

Les réalisateurs :

 

João Salaviza est né le 19 février 1974 à Lisbonne et Renée Nader Messora en 1979 à Sao Paulo.

Ils ont coréalisé Le chant de la forêt.

 


07/05/2024
0 Poster un commentaire

Un coup fumant (Une affaire de principe)

 

Déjà, Une affaire de principe a pour qualité première de rendre presque limpide un dossier plutôt complexe, dans les couloirs du parlement européen, au fonctionnement souvent opaque pour la multitude ignorante, suivant l'antienne : ce qui se passe à Bruxelles reste à Bruxelles. Surtout quand la corruption des plus hauts dans la hiérarchie se complaît dans l'influence sonnante et trébuchante de certains lobbies, comme celui de l'industrie du tabac. L'investigation menée par José Bové et ses collaborateurs illustre à sa manière la lutte du pot de terre contre le pot de fer et, de ce point de vue, le film semble très sérieusement documenté. En contrepartie, le ton est au didactisme, privilégiant les mots à l'image, avec une mise en scène qui frise la platitude. On voit bien que pour agrémenter ce coup fumant, le réalisateur a tenté l'ironie et parfois le pas de côté mais ses personnages restent uniformes et sages, hormis ce bon vieux José, campé avec délectation par un Bouli Lanners à la moustache frémissante. Ses petits camarades, Thomas VDB et Céleste Brunnqueil, ne déméritent pas mais leurs rôles sont trop contraints et ne sortent que peu de leur rail d'enquêteurs acharnés. Le film manque d'éclat mais rend un peu de foi dans les institutions européennes, c'est déjà cela.

 

 

Le réalisateur :

 

Antoine Raimbault a réalisé Une intime conviction.

 


06/05/2024
0 Poster un commentaire

Un couple à l'ouest (Jusqu'au bout du monde)

 

Difficile de savoir ce qu'aurait donné Jusqu'au bout du monde dans une construction linéaire mais Viggo Mortensen a préféré structurer son film autrement, avec de nombreux allers et retours, vers plusieurs strates du passé. Le procédé convient peu au western a priori, moins qu'à un film noir, disons, mais le genre même se caractérise presque toujours par son intégration d'autres catégories : policier, comédie, tragédie. En l'occurrence, il s'agit d'un mélodrame à forte densité romantique, l'histoire d'un couple à l'ouest, dont le destin est malheureusement de n'avoir que peu de temps à passer ensemble. La forme est classique, dans la nature ou dans les lieux emblématiques du western : le saloon et la ferme isolée, mais Mortensen y introduit de l'originalité avec deux outsiders pour héros, des étrangers, confrontés à l'endémique violence américaine. Dans ce contexte, la touche "féministe" est appréciable et les méchants, dans l'affaire, sont particulièrement gratinés et réussis. Face à un Viggo Mortensen égal à lui-même, c'est à dire charismatique, Vicky Krieps prouve, s'il en était besoin, sa capacité à tout jouer, même s'il serait peut-être bon qu'elle ne meure pas systématiquement dans chacun de ses rôles. Toujours est-il que l'alchimie entre les deux acteurs est indéniable, dans un film auquel il manque juste un soupçon d'émotion pour marquer davantage.

 

 

Le réalisateur :

 

Viggo Mortensen est né le 20 octobre 1958 à New York. Il a réalisé Falling.

 


05/05/2024
0 Poster un commentaire

L'aéroport de l'angoisse (Border Line)

 

D'origine vénézuélienne mais installés depuis plusieurs années à Barcelone, les réalisateurs de Border Line ("traduction" française de Upon Entry), Alejandro Rojas et Juan Sebastián Vasquez, ont puisé dans leur propres expériences pour l'écriture de leur film, au plus près de situations vécues par bon nombre d'étrangers débarquant aux États-Unis. La tension et le suspense de Border Line vont croissant alors que la police américaine des frontières soumet un jeune couple à un interrogatoire de plus en plus intrusif, dans un huis-clos oppressant. Ce pourrait être une pièce de théâtre, puisqu'il s'agit d'un huis-clos et d'une action qui progresse exclusivement grâce à ses dialogues. Le film, à certains moments, n'est pas loin de la comédie noire, avec le côté absurde des questions posées mais il a aussi l'intelligence de nous faire nous interroger sur la sincérité des migrants en puissance. Mais Border Line questionne avant tout sur la liberté de chacun à se déplacer et à changer de vie, une possibilité qui sera vue différemment selon que vous soyez de telle ou telle nationalité (en l'occurrence, espagnole ou vénézuélienne). Et dans l'aéroport de l'angoisse, une ou deux personnes ont le pouvoir, arbitraire, de décider si oui ou non, vous allez en avoir l'autorisation.

 

 

Les réalisateurs :

 

Juan Sebastián Vásquez et Alejandro Rojas sont nés en 1981 et 1976 à Caracas. Ils ont réalisé 2 et 1 courts-métrages.

 

 

 

 

 


05/05/2024
0 Poster un commentaire

La semaine d'un cinéphile (364)

Lundi 29 avril 2024

 

En route pour une semaine que j'espère printanière. Elle commence avec un nouvel échantillon du cinéma japonais des années 60.

 

 

Mardi 30 avril

 

Une petite comédie d'horreur espagnole : cela devrait "égayer" ma journée, en attendant de plus substantielles nourritures cinématographiques.

 

 

Mercredi 1er mai

 

Premier mai, jour de sorties. Cela sonne un peu étrange. Il me manque encore deux films à voir mais pour l'heure la semaine n'est pas flamboyante.

 

 

Jeudi 2 mai

 

La disparition de Paul Auster m'attriste profondément. Je n'oublie pas ses films même si ce sont ses romans que je retiens avant tout.

 

 

Vendredi 3 mai

 

L'affiche du prochain Dupieux promet de beaux duels d'acteurs avec des dialogues surréalistes. Dans 11 jours à l'affiche.

 

 

Samedi 4 mai

 

Le film de Jia Zhangke, en compétition à Cannes, ne sortira pas avant plusieurs mois. J'espère bien le voir à La Rochelle.

 

 

Dimanche 5 mai

 

Un dimanche poitevin avec deux films à mon programme : Jusqu'au bout du monde et Une affaire de principe.

 

 


05/05/2024
0 Poster un commentaire

Un Sisyphe à l'hôpital (Etat limite)

 

L'affiche d’État limite montre un homme en blouse blanche, au pas pressé, comme si une urgence l'imposait. Ce médecin, c'est Jamal Abdel-Kader, "psychiatre mobile" qui arpente les couloirs et les escaliers de l'hôpital public, à Clichy, œuvrant dans tous les services de l'établissement. De fait, le réalisateur du film, Nicolas Peduzzi, oppose le rythme effréné de l'hôpital, où la notion de rentabilité a pris le pouvoir, au temps que le praticien tient à aménager pour ses patients, en dépit du chaos ambiant. Le documentaire montre parfaitement que l'écoute et l'humanisme de Jamal ne sont plus en adéquation avec un système de soins qui part à vau l'eau et que son travail est celui d'un Sisyphe qui s'épuise à la tâche, comme lui rappelle un mal de dos de plus en plus présent. Nicolas Peduzzi fait exister la parole des patients, le traitement de la souffrance mentale (ne juge t-on pas une société à la façon dont elle traite ses "fous" ?), le mal-être du personnel soignant mais n'oublie jamais l'amour du métier d'un médecin qui résiste encore, pour combien de temps, à une lame de fond cynique, venue de plus haut, et qui n'a que faire des états d'âme d'un réparateur des âmes qui croit toujours, lui, aux vertus de la compréhension, de la parole et du réconfort.

 

 

Le réalisateur :

 

Nicolas Peduzzi est né le 28 novembre 1982 à Paris. Il a réalisé Southern Belle et Ghost Song.

 


04/05/2024
0 Poster un commentaire

Une vie saccagée (Le silence de Sibel)

 

Le silence de Sibel a été montré dans de nombreux festivals de par le monde avant, enfin, de trouver une date de sortie dans les salles françaises. Dire que son sujet est difficile est un euphémisme, le film est éprouvant au possible, non par ce qu'il montre, quoique la scène d'ouverture soit très inconfortable, mais par ce qu'il contient de souffrance dans le corps et le cœur de cette fillette d'origine Yazidi, une communauté du Kurdistan de l'Irak plongée dans l'horreur avec les atrocités commises par les hommes de Daech. Sibel est une rescapée des massacres de son peuple mais elle est surtout une victime, réduite à l'esclavage sexuel, avant de trouver un asile en France. Mais peut-on jamais se remettre d'un tel traumatisme et quel sens peut avoir une existence marquée par un tel déferlement de haine et de violence ? Il y aurait sans doute plusieurs façons de traiter une telle histoire, si noire qu'elle ne laisse filtrer que quelques rares trouées de lumière. Le choix du réalisateur, Aly Yeganeh est sans concessions et ne laisse aucune échappatoire au spectateur. A chacun de juger s'il est capable d'encaisser une telle accumulation de douleur et de chagrin, au plus près d'une existence violée et saccagée pour toujours.

 

 

Le réalisateur :

 

Aly Yeganeh est né en Irak.

 


03/05/2024
0 Poster un commentaire

La veuve et l'orphelin (L'ombre du feu)

 

Le nombre de films consacrés à la situation tragique du Japon, dans l'immédiat après-guerre, ne manquent pas, notamment tournés dans les années 50, chez Kinoshita, Kobayashi ou Naruse, par exemple. L'ombre du feu de Shunya Tsukamoto témoigne que le traumatisme, alors que de nombreuses années ont passé, reste vif dans la mémoire collective. Une veuve et un orphelin, victimes collatérales, ainsi que deux anciens soldats, survivent à peine dans un film qui pourra être jugé aride dans sa première partie, avec une grande économie de mots et dans un lieu unique, alors qu'à proximité, dans les ruines de Tokyo, la vie reprend tant bien que mal. Plus loin dans L'ombre du feu une scène hallucinante dévoile mieux le propos de Tsukamoto à propos des ravages incommensurables dus aux atrocités de la guerre. Le cinéaste est un grand styliste et nombre de plans du film sont admirables mais ses partis-pris et le côté parfois énigmatique des comportements de ses personnages principaux, s'ils accentuent l'intérêt et compensent les longs moments de flottement, donnent parfois le sentiment que Tsukamoto cherche avant toute chose à impressionner son monde. Non qu'il soit insincère mais dans un geste artistique un peu trop conscient de ses effets.

 

 

Le réalisateur :

 

Shinya Tsukamoto est né le 1er janvier 1960 à Tokyo. Il a réalisé 14 films.

 


02/05/2024
0 Poster un commentaire

Dans les règles de l'art (Le tableau volé)

 

Un tableau d'Egon Schiele, volé par les nazis et disparu depuis soixante ans, refait son apparition dans un appartement modeste à Mulhouse. A partir de cette incroyable histoire, Pascal Bonitzer a construit une fiction où l'on subodore autant l'odeur des salles des ventes, un univers très particulier, formellement opposé à la France profonde, celle où le célèbre tableau a fini par atterrir. L'intrigue centrale, autour de l’œuvre peinte, est plutôt excitante mais les différentes ramifications, disparates, déplacent l'intérêt plus souvent qu'à leur tour. A retenir toutefois, le mordant des dialogues, souvent cruels, notamment autour des marchés de l'art où tellement d'argent est brassé que tous les coups y sont permis. L'interprétation est également largement à la hauteur, sans qu'un comédien ne cherche à dépasser ses petits camarades : d'Alex Lutz à Léa Drucker, impeccables dans la sophistication, de Louise Chevillotte à Nora Harnzawi, épatants de naturel, en passant par un excellent Alain Chamfort et les jeunes Arcadi Radeff et Matthieu Lucci. Malgré quelques temps morts et une action parfois volatile, le scénario retombe tout de même sur ses pattes, en ayant offert passage quelques jolis passages de comédie. Dans les règles de l'art mais toutefois assez loin du chef d’œuvre.

 

 

Le réalisateur :

 

Pascal Bonitzer est né le 1er février 1946 à Paris. Il a réalisé 9 films dont Rien sur Robert et Petites coupures.

 


01/05/2024
0 Poster un commentaire

Cigogne muette (Indivision)

 

12 ans après Sur la planche, à l'absolue radicalité, voici enfin le second long-métrage de fiction de Leïla Kilani, native de Casablanca. Cet objet hybride est aussi déconcertant que son prédécesseur mais sans doute un peu plus accessible au commun des cinéphiles, quoique. Sur les hauteurs de Tanger, une famille se dispute autour de la vente future d'une propriété, aussi luxuriante dans sa nature environnante que décadente et qui abrite, par ailleurs, dans un contraste saisissant, un bidonville. De lutte des classes il en est question dans Indivision et par conséquent de ... division, comme son titre peut le laisser entendre. Tout est raconté à travers les reportages live de Lina, 13 ans, destinés à ses nombreux followers. La fillette, muette volontairement dans la vie réelle, après la mort de sa mère, tient un journal filmé, sous le pseudonyme de Cicogna nera. Elle y documente sa passion d'ornithologue déjà réputée mais aussi toutes les turpitudes humaines qui ont lieu dans sa maison. Indivision ne choisit pas entre chronique sociale, documentaire sur les oiseaux, thriller, saga familiale et drame, ce qui, sur une durée de plus de 2 heures, crée beaucoup d'agitation à l'écran, à moins que ce ne soit une certaine confusion. C'est toujours excitant de suivre un film qui sort largement des sentiers battus mais il faut malgré tout faire montre de beaucoup de maîtrise dans le chaos, ce qui n'est pas toujours le cas ici, notamment du point de l'interprétation, très inégale.

 

 

La réalisatrice :

 

Leïla Kilani est née en 1970 à Casablanca. Elle a réalisé 5 films dont Sur la planche.

 


29/04/2024
0 Poster un commentaire